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L'Humanité quotidien

27 Octobre 1999 - POLITIQUE

Bras de fer pour une convention collective

Décryptage. Les salariés des banques entamaient hier une quinzaine de mobilisation contre la mise en cause de leurs acquis.

La journée d'hier a été marquée par de nombreux débrayages dans les banques. Les syndicats dénoncent un patronat qui veut leur imposer de graves reculs sociaux, comme la diminution de moitié des indemnités de licenciement. Dans un contexte où des milliers d'emplois sont menacés par les fusions en cours.

Les salariés des banques sont mécontents. Ils ont dans la journée d'hier organisé des débrayages, à l'appel du comité national d'action (CGT, CFDT, FO, SNB-CGC, CFTC), afin de tenir leur assemblée de personnel. Motif de leur mécontentement : la convention collective et leurs droits remis en cause. L'enjeu est de taille : auront-ils encore une convention collective à la fin de l'année ? Les rencontres entre les partenaires sociaux et le patronat de la branche se multiplient au rythme d'une réunion par semaine. Un calendrier est fixé. Il faut dire que le temps presse, l'échéance finale est fixée au 31 décembre. · cette date, des dizaines de milliers de salariés risquent de se retrouver sous l'unique protection du Code du travail.

Pourquoi une nouvelle convention collective ?

Fin 1997, sous le prétexte de l'annonce de la loi sur les 35 heures, le patronat du secteur fait un coup de force. C'est pour lui un vieux rêve : en finir avec les avantages acquis par ses salariés. Alors il dénonce la convention collective des banques en vigueur depuis 1952. Celle-ci fait figure à ses yeux d'archaïsme. Souvent citée comme modèle social, elle confère aux salariés des banques des conditions de travail que peu de secteurs possèdent. Cette situation est de plus en plus insupportable aux banquiers.

En mai 1998, quatre groupes de travail sont mis en place au niveau de la branche. Les négociations s'engagent avec l'Association française des banques (AFB). Au menu des discussions : les salaires, le contrat de travail, la formation et la mobilité, et le temps de travail. Objectif du patronat : imposer le plus de reculs possible. Le 4 janvier 1999, un accord sur le temps de travail est signé par un seul syndicat: le SNB-CGC. Le patronat exulte, quand au mois de juillet le ministère de l'Emploi et de la Solidarité élargit cet accord, alors même qu'il est dénoncé par l'ensemble des autres forces syndicales, devant les tribunaux.

En fait de négociations, le ton monte entre les parties. Le tribunal tranche et rejette l'accord signé sur la réduction du temps de travail. Retour à la case départ. Mais il est difficile de recoller les morceaux. En juin 1999, les syndicats de salariés avaient claqué la porte avant même que les discussions s'engagent - le patronat venait de leur remettre sa mouture d'une nouvelle convention collective en déclarant que c'était cela ou le chaos. Et ce qu'il présente aujourd'hui ressemble déjà fort à l'apocalypse pour l'ensemble des salariés.

Les ambitions du patronat bancaire

Officiellement, " il faut des règles professionnelles adaptées à la réalité d'un secteur constitué d'entreprises diversifiées sur un marché très concurrentiel et international. Ainsi, mettre à jour les dispositions obsolètes, éviter les rigidités pénalisantes, donner à l'entreprise la possibilité d'adapter les règles à sa situation et aux attentes de ses salariés ont été des préoccupations permanentes ". Voilà, pour la version soft du discours patronal.

En décodé, le recul proposé est réellement massif. Avec des noyaux durs de discussion : en premier lieu, la fin du point bancaire est programmée. Tout le système salarial mis à l'encan. Objectif affiché par l'AFB : " Instaurer au niveau professionnel des garanties minimales permettant à la branche de jouer son rôle de garde-fou. Redonner aux entreprises des marges de manouvre leur permettant de mieux reconnaître la contribution de chacun. "

Deuxième recul que les banquiers veulent imposer : la diminution de moitié des indemnités de licenciements économiques. Jusque-là, la règle était un mois de salaire par année d'ancienneté. · partir du nouveau texte, ce sera un demi-mois.

Troisième nouveauté proposée les contrats de projet. La logique est simple : il faut de la souplesse, alors, pour répondre à des projets ponctuels, créons un statut à part pour les salariés embauchés pour répondre à cette demande. La ficelle est grosse : c'est l'explosion de tout statut, l'instauration de la précarité comme mode d'embauche.

· côté de ces gros morceaux qui font plus que grincer les dents des syndicats, une somme incalculable de petits reculs, grignotages mesquins d'un jour de récupération par-ci, d'un jour de congé pour la naissance d'un enfant ou pour un mariage d'un parent...

Comment sortir de l'impasse ?

Une telle intransigeance n'est pas du goût des syndicalistes. Ils menacent de bloquer toute la chaîne de travail et rappellent aux bons souvenirs du patronat les grèves totales qui ont déjà paralysé le secteur.

L'AFB recule, fait montre de vouloir mettre de l'eau dans son vin. Olivier Robert de Massy, le négociateur des banquiers, se veut rassurant : " Nous sommes prêts à faire des gestes. Nous avons déjà enlevé du texte proposé le nouveau contrat de travail, les contrats de projets. " Mieux, il n'hésite pas à affirmer que les salariés actuels ont peu de chances de voir s'appliquer à leur cas les nouvelles modalités d'indemnité de licenciement. " On ne nie pas que notre système va faire baisser les indemnités à terme, mais, pour les salariés en place, ce sera très progressif. "

En fait, l'AFB est tombée sur un os. Les cinq fédérations de branche affichent leur unité pour s'opposer à la nouvelle convention collective. Et dans un communiqué commun, elles estiment que " le rapport de forces est nécessaire afin que les employeurs consentent enfin des avancées qui permettent des sauvegarder les garanties collectives des salariés ".

Les débrayages d'hier sont le hors-d'ouvre d'un mouvement qui va se poursuivre au moins jusqu'au 9 novembre. · cette date, les délégués des cinq syndicats se retrouveront à Paris pour une assemblée générale pour faire le point sur le développement de l'action et sur le contenu de la négociation. Un comité national d'action est mis en place, un site Internet (cna.banque.free.fr) fédère les mobilisations dans un aller-retour des luttes. Le secteur bancaire entre en ébullition, les salariés sont vraiment mécontents.

Christophe Auxerre


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